La 4e révolution industrielle ne se gagnera pas avec le protectionnisme

LE DEVOIR: Éric Desrosiers 

Photo: Dave Chidley La Presse canadienne Parmi les points forts du Canada, on évoque la grande stabilité de son économie, mais surtout un marché du travail caractérisé par une diversité remarquable de sa main-d’œuvre accompagnée d’un bon filet social

Le chemin du succès sera moins linéaire et se fera à plus de niveaux dans la nouvelle économie, rapporte le Forum de Davos. Mais chose certaine, il ne passera pas par la fermeture au commerce international ni aux travailleurs étrangers.

Les organisateurs du Forum économique mondial de Davos ont mis à jour la méthodologie de leur classement annuel sur la compétitivité économique des pays afin de tenir compte des défis à venir de la « 4e révolution industrielle » des robots, de l’intelligence artificielle et autres technologies numériques. Dévoilé mardi et basé sur 98 indicateurs couvrant une douzaine de grands enjeux, le nouveau palmarès a placé dans le même ordre que l’an dernier ses quatre meilleurs pays : États-Unis au premier rang, suivis de Singapour, de l’Allemagne et de la Suisse. Le Canada, de son côté, a gagné deux places par rapport au classement précédent, passant du 14e au 12e rang sur 140 pays.

On a longtemps tenu pour acquis que le chemin vers l’innovation technologique et la prospérité suivait toujours sensiblement les mêmes étapes de développement économique et social qui s’enchaînaient l’une après l’autre. « Aujourd’hui, la séquence est devenue moins claire », dit le rapport. Les robots permettent de conserver ses entreprises manufacturières longtemps après que les salaires dans le pays sont devenus théoriquement trop chers. Des pays pauvres peuvent aussi sauter des étapes de développement grâce à l’ouverture des marchés et à la circulation rapide des idées, de l’argent et des technologies.

Le classement des pays les plus compétitifs continue néanmoins de refléter la vieille division entre les pays riches et les pays pauvres, les dix premiers étant tous issus d’Europe ou d’Amérique du Nord, sauf trois (Singapour, le Japon et Hong Kong), et les dix derniers venant tous d’Afrique subsaharienne, sauf un (Haïti).

La capacité d’innover dépend désormais, explique-t-on, de la qualité d’un vaste et complexe écosystème permettant au plus de gens possible de transformer de nouvelles idées en produits et services. Parmi la douzaine de grands facteurs considérés dans le classement, on retrouve : la qualité des institutions et des infrastructures, la disponibilité de main-d’oeuvre qualifiée, la taille du marché, le dynamisme entrepreneurial, mais aussi les indicateurs de santé et d’éducation.

États-Unis 1ers, Canada 12e

Les États-Unis y doivent notamment leur premier rang au dynamisme de la communauté d’affaires, à la qualité de la main-d’oeuvre, à la taille du marché et à l’environnement propice à l’innovation. Ce portrait est toutefois obscurci par la « fragilisation du tissu social », le taux de criminalité, le manque d’indépendance du système judiciaire et les problèmes de santé de la population.

Le Canada, de son côté, offre une performance « généralement forte » en venant tout juste derrière la Suède, le Danemark et la Finlande, mais devant l’Australie (14e), la Corée du Sud (15e) et la France (17e), les économies émergentes chinoise (28e), russe (43e), mexicaine (46e) et brésilienne (72e) arrivant plus loin, notent les auteurs du rapport, qui se basent, dans leur classement, à la fois sur des statistiques officielles et un sondage auprès de plus de 12 000 dirigeants d’entreprise. Parmi les points forts du Canada, on évoque la grande stabilité de son économie, mais surtout un marché du travail caractérisé par une diversité remarquable de sa main-d’oeuvre, une belle flexibilité de ses règles du travail accompagnée néanmoins d’un bon filet social et d’un bon taux de participation des femmes. On est nettement moins impressionné par ses dépenses en recherche et développement, bien inférieures à la moyenne, la lenteur de ses entreprises à prendre le virage numérique et les prix prohibitifs de sa téléphonie mobile.

Trump fait fausse route

Les experts du Forum de Davos disent comprendre la frustration populaire devant le creusement des inégalités attribué à la mondialisation et aux nouvelles technologies, mais ne cachent pas leur inquiétude devant la montée du protectionnisme, de la fermeture aux travailleurs étrangers et la tentation de freiner le partage des innovations technologiques, notamment aux États-Unis. La levée de telles barrières ne peut que nuire à l’adaptation à la nouvelle économie. Pour réduire les inégalités et venir en aide aux victimes de la mondialisation et de la 4e révolution industrielle, il vaudrait mieux améliorer le filet social, investir davantage dans la formation de la main-d’oeuvre et mettre en place des systèmes fiscaux qui répartissent mieux la richesse.

« On n’a pas à choisir entre la compétitivité et l’inclusion », martèlent les auteurs du rapport. « La compétitivité n’a pas [non plus] à être une compétition ni un jeu à somme nulle, tous les pays peuvent devenir plus prospères » s’ils apprennent à tirer profit de la transition technologique en cours, poursuivent-ils. « La technologie n’est toutefois pas une solution miracle. Les pays doivent investir dans leur population et leurs institutions pour qu’elle livre ses promesses.

Article complet: LE DEVOIR Éric Desrosiers 

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