La FAUSSE trêve de l’ALÉNA

Éditorial Ariane Krol La presse+

Les États-Unis ne signeront pas de nouvel Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) avant les élections de mi-mandat, a confirmé Donald Trump dimanche.

Une pause estivale de sorties et de volte-face présidentielles ? Un simple transfert plutôt. La menace d’une surtaxe sur les véhicules et les pièces automobiles importés par les États-Unis, qui serait catastrophique pour le Canada, a maintenant le champ libre pour monopoliser l’attention.

Un tarif douanier sur les importations automobiles afin de protéger la sécurité nationale américaine ? C’était déjà tellement absurde pour l’aluminium et l’acier du Canada et d’autres alliés (Union européenne, Mexique, Japon) que les mots nous manquent pour qualifier l’idée d’étendre ce procédé au secteur de l’auto.

Le gouvernement Trudeau a dénoncé ce non-sens à plusieurs reprises. Le projet suscite aussi une très large opposition aux États-Unis.

Mais comme on le sait, les démonstrations économiques ont bien peu de prise sur l’administration Trump. Aussi délirante soit cette menace, on n’a pas le choix de l’envisager avec sérieux.

On perd d’ailleurs le compte de toutes les mises en garde qui ont été émises sur les dangers auxquels les États-Unis s’exposent avec ces tarifs injustifiables de 20 %.

Les dommages seraient de deux ordres.

Il y a, d’une part, les tarifs punitifs que ne manqueront pas d’infliger les pays exportateurs en guise de représailles. Cette riposte peut frapper n’importe quel produit américain, mais les plus vulnérables (comme les denrées agricoles) et les plus susceptibles de faire mal à Donald Trump (ceux qui maintiennent des emplois manufacturiers au Wisconsin, en Pennsylvanie, en Floride ou au Kentucky, par exemple) sont les plus à risque.

Et il y a, d’autre part, les dommages collatéraux infligés aux entreprises automobiles elles-mêmes. Dans ce secteur où la production est fortement intégrée entre les trois pays membres de l’ALENA, et où les composants peuvent traverser plusieurs fois les frontières avant de se retrouver dans un véhicule complet, l’addition de surtaxes américaines et de tarifs canadiens ou mexicains aurait un effet désastreux sur le prix final. Ce serait mauvais pour les consommateurs américains et nuisible aux exportations de véhicules fabriqués aux États-Unis.

Les usines américaines des trois grands de l’auto s’en ressentiraient, celles des constructeurs étrangers établis aux États-Unis aussi.

Or, malgré les dangers encourus, et même si le prétexte de la sécurité nationale ne tient pas la route, l’affaire semble déjà entendue.

« Il est prématuré de décider quelles seront les conclusions du rapport », s’est défendu le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, au réseau CNBC lundi. Sauf que l’enquête ordonnée par le président à la fin de mai est attendue à la fin de juillet ou au début d’août. C’est très court, d’autant que dans le cas de l’aluminium et de l’acier, le département du Commerce avait remis ses rapports plus de huit mois après le début des enquêtes. Mais qui sait ? À force d’étirer la notion de sécurité nationale, les équipes de M. Ross sont peut-être devenues plus efficaces à sauter aux conclusions…

Ces tarifs se veulent un moyen de pression sur l’Union européenne, mais aussi sur le Canada et le Mexique. Si on n’arrive pas à signer un ALENA « plus équitable », on taxera leurs autos, a indiqué le président américain en entrevue à Fox News dimanche. « Ce qui va réellement se passer, c’est qu’il n’y aura pas de taxe. Vous savez pourquoi ? Ils [les constructeurs] vont fabriquer leurs voitures ici », a ajouté Donald Trump du même souffle.

Le chaud, le froid et n’importe quoi. Non, l’incertitude liée à l’ALENA ne connaîtra pas de répit.

MERCI, MAIS NON MERCI

« Malgré les bonnes intentions du gouvernement américain, les constructeurs automobiles américains croient fermement que toute augmentation des tarifs sur les véhicules automobiles, les camions légers et les pièces d’auto minera l’énorme contribution du secteur automobile américain à notre économie et pourrait nuire au succès actuel des constructeurs. »

— Matt Blunt, président de l’American Automotive Policy Council (groupe de défense des trois grands de l’auto que sont GM, Ford et Fiat Chrysler)

« Des tarifs à l’importation plus élevés pourraient mener à une GM plus petite, une présence réduite à domicile et à l’étranger pour cette entreprise américaine emblématique, et au risque d’une réduction – et non d’une augmentation – des emplois aux États-Unis. »

— Mary Barra, PDG de GM

« Les tarifs et les autres barrières au commerce sur les véhicules et les pièces automobiles affaibliraient l’économie et menaceraient de saper toute l’industrie automobile américaine. »

— James Tobin, vice-président marketing de Magna International, grand constructeur mondial de pièces d’auto (58 usines aux États-Unis)

source: Éditorial Ariane Krol, La presse+ 

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