Les taxes sur l’automobile, une arme risquée pour les États-Unis

Brandies par Donald Trump, des taxes douanières sur le secteur automobile apparaissent comme une arme à double-tranchant pour l’Amérique : politiquement efficace, économiquement très risquée.

Au coeur de la rencontre mercredi entre le président américain et Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, elles ne sont pour l’instant qu’à l’état de menaces et leur opportunité fait l’objet d’un examen du département américain du Commerce.

Pour autant, elles constituent déjà un puissant moyen de pression sur les partenaires des Etats-Unis, Européens et Nord-Américains.

Envisager des tarifs douaniers allant jusqu’à 25% envoie aux partenaires commerciaux des Etats-Unis « un message clair » de la détermination du président américain de rester « inflexible » sur sa politique protectionniste, commente Eswar Prasad, professeur de politique commerciale à l’Université de Cornell.

Du coup, pour défendre l’industrie automobile allemande, qui a beaucoup à perdre dans ce conflit, la chancelière Angela Merkel s’est d’ores et déjà dite « prête » à négocier avec les Etats-Unis une baisse généralisée des droits de douane dans ce secteur.

« Nous nous rendons là-bas avec les meilleures intentions », dans l’espoir d' »une désescalade », a récemment insisté de son côté la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, qui accompagne Jean-Claude Juncker dans la capitale fédérale.

Les Etats-Unis imposent des droits de douane très faibles à l’importation de voitures. L’Union européenne, le Japon, la Corée, la Chine sont bien plus restrictifs.

– Pas en une nuit –

La menace de taxes douanières supplémentaires sur des voitures importées est aussi un moyen de forcer la main d’Ottawa et de Mexico dans la renégociation du traité de libre-échange nord-américain Aléna.

Car les deux pays, qui ont actuellement un libre-accès au marché américain, produisent une majorité des voitures importées aux Etats-Unis (4,27 millions) devant le Japon (21% des importations), l’Allemagne (11%) et la Corée du Sud (8%).

La Maison Blanche pourrait se révéler d’autant plus intransigeante que ce secteur, « symbole de l’industrie manufacturière des Etats-Unis« , est le principal contributeur à l’économie américaine, note Eswar Prasad.

Or celui-ci illustre aussi à lui seul les déséquilibres commerciaux que le président républicain ne cesse de dénoncer.

En 2017, les Etats-Unis ont en effet importé 8,27 millions de véhicules et en ont exporté 1,98 million, selon les données du département du Commerce. Et depuis 2000, les importations ont augmenté bien plus que les exportations, respectivement +42,7% et +33,7%.

En outre, entre janvier et mai, la part des voitures produites et vendues aux Etats-Unis était en baisse à 50,1%, contre 51,1% à la même période en 2017, selon le cabinet Edmunds.com.

« Au cours du boom économique de l’après-guerre, l’industrie automobile était l’employeur principal et les produits importés ne représentaient qu’une petite part du marché », concède Charlie Chesbrough, économiste chez Cox Automotive.

Le président entend clairement revenir à cet âge doré pour l’industrie automobile américaine.

Mais taxer le secteur automobile aura nécessairement des conséquences, estiment les spécialistes du secteur. La mondialisation de cette industrie a complètement rebattu les cartes et les pièces automobiles sont aujourd’hui produites partout dans le monde, relève M. Chesbrough.

« Aucun constructeur automobile ne peut changer sa chaîne de production en une nuit. C’est impossible », renchérit Maryann Keller, analyste chez MK&A automotive, exhortant l’administration Trump à se souvenir de deux noms: Smoot et Halwey.

La spécialiste fait référence à la loi Hawley-Smoot, votée en 1930 aux États-Unis, malgré les avertissements à l’époque de nombreux économistes.

Des droits de douane de près de 60% avaient été imposés sur plus de 20.000 produits agricoles et industriels importés. Emmenés par le Canada, les partenaires commerciaux avaient riposté par des taxes sur les exportations des États-Unis, qui avaient alors dégringolé de plus de 61% entre 1929 et 1933.

S’appuyant sur des projections, Peter Welch, patron de la Fédération des vendeurs automobiles, a souligné récemment que de telles taxes pourraient entraîner la perte de 715.000 emplois aux Etats-Unis et ôter près de 60 milliards de dollars au PIB américain en raison notamment de la diminution des ventes et de l’augmentation du coût des prêts automobiles.

Bien avant les professionnels de l’automobile, les agriculteurs avaient mis en garde contre les dommages collatéraux dont ils pourraient être victimes.

Mardi, l’administration Trump a débloqué une aide d’urgence de 12 milliards pour compenser les pertes de revenus des producteurs de soja, de porc, de fruits, de riz et de lait, reconnaissant implicitement les premiers dommages du virage protectionniste.

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