le Graal de l’industrie 4.0 = la maintenance prédictive

Xavier Comtesse- Le Temps 

Dans la révolution industrielle actuelle, un des champs de développement majeur de l’intelligence artificielle (IA) est celui de la maintenance. Cette dernière représente un coût important pour les entreprises. Que ce soient les avions, les trains, les voitures ou les machines-outils quand ceux-ci tombent en panne – de manière inopportune – les coûts d’exploitation explosent. C’est un problème connu des entreprises qui ont essayé de le traiter depuis longtemps. Mais avec l’IA, les choses sont en train de changer. On parle désormais de maintenance prédictive.

Explication :

Selon une étude récente de McKinsey (voir référence ci-dessous), la maintenance prédictive couplée à l’internet des objets permettrait aux entreprises d’économiser 630 milliards de dollars d’ici 2025. Ces économies seront rendues possibles par essentiellement trois facteurs. Premièrement, une réduction réelle des coûts de la maintenance de 10 à 20%. Deuxièmement, une diminution du nombre de pannes par moitié ce qui n’engendrerait pas de coûts d’achat de matériel de remplacement. Et enfin, en augmentant la durée de vies des machines installées.

De la Panne à la Prévention

Avant on attendait la panne et la maintenance était de type correctif. C’était l’approche la plus basique en maintenance. Il s’agit très grossièrement de réparer – voir remplacer – une pièce une fois la panne constatée. La maintenance corrective est légitime, et recommandée dans certains cas :

– les pièces de remplacement sont à bas coût
– les pièces peuvent être changées rapidement
– l’impact d’une panne de la machine est faible pour l’utilisateur final

De l’autre côté, la maintenance préventive est proactive. Il s’agit d’anticiper les défauts et les pannes d’une machine. La maintenance préventive se manifeste sous la forme d’un calendrier d’intervention calculé. Le fournisseur planifie des venues fréquentes sur site pour s’assurer que les machines livrées ne sont pas abîmées. Le problème réside dans le coût des venues du fournisseur pour les machines sur lesquelles il n’y a pas de problème. Il y a donc un gaspillage. Aujourd’hui avec les outils issus du Big Data et de l’Intelligence artificielle – ici essentiellement le « machine learning » – on est capable d’amener beaucoup de précision dans ce type d’intervention et donc d’en diminuer drastiquement les coûts.

Tous les secteurs d’activité industrielle sont concernés

Des secteurs manufacturiers aussi divers que l’automobile, l’électronique, l’aéronautique, la pharma et la machine-outil ont tous intérêt à passer à l’analyse prédictive. Par exemple, l’usine allemande du Groupe BMW de Landshut a choisi la solution d’analyse prédictive IBM SPSS pour combiner les données de production et de qualité dont elle disposait, afin de développer un modèle capable de prévoir la qualité des pièces et des process. Ce modèle a permis à BMW de mieux connaître l’influence des paramètres du processus et de la qualité des pièces. La réussite de sa mise en œuvre a conduit à en généraliser l’application dans les processus de production. D’autres fournisseurs de solutions Big Data offrent des prestations équivalentes. La guerre des données ne fait que commencer !

Cloud versus Edge ?

On connait la maintenance traditionnelle qui consiste a réparer un équipement lorsque celui-ci est en panne. Mais, la maintenance prédictive est beaucoup moins connues et utilisées. Son principe est d’être en mesure de prévoir, et donc de programmer la gestion des problèmes. En effectuant la maintenance au bon moment, on ne subit plus les pannes et autres désagréments !

Comment ça marche :

La maintenance prédictive se base sur les faits et sur une surveillance méthodique et assidue des équipements. En surveillant et en analysant l’évolution d’une machine ou d’un composant, il est possible de programmer une intervention au moment le plus opportun : ni trop tôt (pour réduire les coûts), ni trop tard (pour éviter les pannes).

Si certaines méthodes nécessitant l’intervention de l’homme d’autres beaucoup moins. Ainsi, l’arrivée des capteurs connectés (IoT) a permis de libérer l’homme car les capteurs connectés peuvent transmettre en direct pour traitement. Il existe à ce niveau deux types d’approche : le « cloud computing » (traitement à distance des données) ou alors « at the edge » à savoir des algorithmes intelligents d’auto-diagnostiques proposés sur la machine elle-même. Deux approches différentes qui ont des conséquences opposées pour l’indépendance des entreprises !

Voici quelques exemples de techniques qui ont fait leurs preuves dans le domaine de la maintenance connectée :

  • pour surveiller les échauffements des dispositifs électriques, il est possible d’utiliser une caméra infrarouge afin de détecter les zones éventuelles d’échauffements.
  •  en analysant les composants d’échantillons d’huile prélevés sur les parties sensibles d’une machine, il est possible d’éviter les usures anormales, les casses ou des arrêts de production…).
  • l‘installation de capteurs sur les canalisations d’eau permet de mesurer les variations du débit d’eau. Il est ainsi possible de repérer les dysfonctionnements pour prévenir les incidents et intervenir au bon moment.
  • Les infrastructures ferroviaires doivent faire l’objet d’une maintenance régulière, car il est préférable d’éviter les interruptions de trafic imprévues. En surveillant, à l’aide de capteurs connectés, l’usure et la température des rails, les points de soudure…, la maintenance prédictive permet de programmer les interventions et d’allonger la durée de vie des infrastructures.
  • La mesure permanente de données provenant des nombreux éléments des avions permet à Airbus ou à Boeing d’intervenir préventivement.
  • La plupart des machines-outils modernes comportent désormais des capteurs mesurant l’usure des pièces.
  • Une société de maintenance de broche a développé une puce qui permet de remonter les données temps, vibration, choc et courant sur l’entier d’un parc machine. Elle peut ainsi intervenir aux premiers signes avant-coureurs et éviter des arrêts machines.

La collecte et l’analyse des données provenant de différentes capteurs permettent donc de déterminer les facteurs de probabilité d’un défaut ou d’une usure. Résultat: le flux de production n’est pas freiné, l’arrêt non planifié est évité, et la productivité n’est pas impactée, elle est même optimisée.

L’industrie 4.0 c’est ça … capter d’abord les données des machines puis les acheminer par millions et les traiter ensuite dans le « cloud » ou alors sur le « edge »  en temps réelle…. et tout ça dans un seul but: améliorer considérablement la productivité pour survivre demain.

Des milliards d’économie ?

L’industrie s’apprête à faire sa révolution. Un des changements clé sera la maintenance prédictive grâce à l’Intelligence artificielle et l’analyse des données issues des machines de production elles-mêmes.

Un important congrès a récemment eu lieu à Neuchâtel sous la houlette de la GESO, de sensor.ch et de la FSRM. Regroupant plus de 80 industriels, ce dernier congrès a montré l’intérêt industriel pour ce développement technologique qui fait appel à la révolution numérique. Les choses bougent : en Suisse aussi !

Cependant, la maintenance prédictive est une chose complexe et délicate. Pour l’instant c’est surtout l’industrie spatiale et celle de l’aéronautique qui l’utilisent. Les choses sérieuses ont aussi commencé à bouger ailleurs comme dans l’industrie automobile ou dans la machine-outil. Mais il faut le dire : la maintenance prédictive qui fait notamment appel à l’Intelligence Artificielle nécessite tout un processus de mise en œuvre du numérique composé de plusieurs étapes, qui peuvent toutes durer plusieurs années.

Faisons, pour finir, le point avec un spécialiste Valéry NAULA, responsable du portefeuille des services connectés chez BOBST :

D’abord il faut se poser la question de ce que nous voulons offrir aux clients comme service et à quel prix ? Il faut aussi être imaginatif dans le modèle économique qu’on lui propose car c’est un service qui va venir en plus de l’achat d’une machine. Est-ce une assurance risque, un contrat de maintenance ou de l’intervention à façon facturable ou encore une combinaison plus sophistiquée ?

Ensuite, il faut connecter les machines de telle sorte que l’on puisse récolter les données en grand nombre. Mais comme c’est un développement qui nécessite des systèmes numériques modernes capables de traiter ces données, il faut bien maîtriser le software ce qui n’est pas toujours évident pour des ingénieurs venant du hardware.

Enfin, il faut proposer des systèmes de maintenance aux clients et ici le prédictif est vraiment la dernière étape. Avant on pouvait proposer par exemple, des solutions de maintenance à distance. Chez BOBST, on a développé une solution de « Réalité Augmentée » qui permet à nos techniciens d’effectuer à distance avec le client ses réparations. Mais il y a d’autres possibilités d’aide dès lors que l’on a accès aux données fournies par les machines. Le problème avec le « prédictif » c’est qu’il faut trouver les bons algorithmes qui fassent mieux que l’homme, qui soient tellement flexibles que l’on puisse les utiliser dans beaucoup de cas. Imaginez que chez BOBST, on a un parc de 30 000 machines installées dont 2’500 sont connectées pour environ 1’000 types de machines différentes. C’est un défi complexe. Pour l’instant, on accumule du savoir et des données. Tout le monde doit passer par cette étape.

Tout l’enjeu de demain consistera à bâtir les algorithmes susceptibles de créer de l’intelligence autour de ces données. C’est là où l’implication des métiers est réellement centrale, car ce sont eux qui détiennent la connaissance des procédés de fabrication. Des modèles algorithmiques permettent de détecter des déviations par rapport au fonctionnement des machines. La mise en place de ces nouvelles solutions numériques soulève aussi la question de l’adaptation des processus et des équipes de maintenance. Une part importante doit être dédiée à la gestion du changement dans les équipes car la révolution du numérique est d’abord celle des hommes : les véritables révolutionnaires !

Xavier Comtesse- Le Temps 

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